Chroniques dodusiennes chapitre II

Le 12 avril 2020
27ème jour de confinement.
Dimanche de Pâques. Continuant avec les Dodus nos lectures século-légendaires et termino-sataniennes mais pleino-hugoliennes, nous célébrons la Résurrection en contemplant Dieu :
"Rien n’existe que lui ; le flamboiement profond,
Et les âmes, les grains de lumière, les mythes,
Les moi mystérieux, atomes sans limites,
Qui vont vers le grand moi, leur centre et leur aimant ;
Points touchant au zénith par le rayonnement,
Ainsi qu’un vêtement subissant la matière,
Traversant tour à tour dans l’étendue entière
La formule de chair propre à chaque milieu,
Ici la sève, ici le sang, ici le feu ;
Blocs, arbres, griffes, dents, fronts pensants, auréoles ;
Retournant aux cercueils comme à des alvéoles ;
Mourant pour s’épurer, tombant pour s’élever,
Sans fin, ne se perdant que pour se retrouver,
Chaîne d’êtres qu’en haut l’échelle d’or réclame,
Vers l’éternel foyer volant de flamme en flamme,
Juste éclos du pervers, bon sorti du méchant ;
Montant, montant, montant sans cesse, et le cherchant,
Et l’approchant toujours, mais sans jamais l’atteindre,
Lui, l’être qu’on ne peut toucher, ternir, éteindre,
Le voyant, le vivant, sans mort, sans nuit, sans mal,
L’idée énorme au fond de l’immense idéal !
La matière n’est pas et l’âme seule existe.
Rien n’est mort, rien n’est faux, rien n’est noir, rien n’est triste ;
Personne n’est puni, personne n’est banni.
Tous les cercles qui sont dans le cercle infini
N’ont que de l’idéal dans leurs circonférences :
Astres, mondes, soleils, étoiles, apparences,
Masques d’ombre ou de feu, faces des visions,
Globes, humanités, terres, créations,
Univers où jamais on ne voit rien qui dorme,
Points d’intersection du nombre et de la forme,
Chocs de l’éclair puissance et du rayon beauté,
Rencontres de la vie avec l’éternité,
Ô fumée, écoutez ! Et vous, écoutez, âmes,
Qui seules resterez étant souffles et flammes,
Esprits purs qui mourez et naissez tour à tour :
Dieu n’a qu’un front : Lumière ! et n’a qu’un nom : Amour !
Je tremblais ; comme si, prêt à changer de forme,
J’eusse été foudroyé par un baiser énorme.
La clarté flamboyait, transparente et debout.
Et je criai : lumière, ô lumière, est-ce tout ?
Et la clarté me dit : silence. Le prodige
Sort éternellement du mystère, te dis-je.
Aveugle qui croit lire et fou qui croit savoir !"
Victor Hugo, "Dieu", "L'Océan d'en haut", IX

 

 

 

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Le 13 avril 2020
28ème jour de confinement.
Il ne faut pas que les Dodus pensent qu’ils vont se la couler douce dans leur état de nature, aussi spirituel soit-il! Il va falloir songer à leur éducation ! Fort de l’exemple de Joseph Beuys qui a expliqué la peinture à un lièvre mort, j’ai décidé d’expliquer les dessins de Victor Hugo à des oiseaux vivants. Il ne suffit pas que les Dodus apprécient la peinture par la seule imprégnation somnolente (voir 24ème jour de confinement), il leur faut un peu d’histoire de l’art !
Je ne sais pas si vous mesurez le défi ! Je pars avec un sacré handicap. Les Dodus n’apprécient que modérément ces œuvres faites à la plume. Leur goût les porte plus volontiers vers celles exécutées aux poils du pinceau. Mon mérite est d’autant plus grand que je ne profite pas du moment où ils se font les plus Dodus, confortablement installés sur leur cadre préféré, mais de ce qu’ils sont venus se percher juste au-dessus de ma tête sur le lampadaire de Fortuny. Attentifs pourtant, je n’ai à élever un peu la voix que lorsque je les vois papillonner des yeux, prêts à s’abandonner à leur penchant pour l’appréhension par émanation spirituelle des œuvres (revoir 24ème journée de confinement).
Comme les Dodus ne pensent pas tout à fait comme nous, j’ai décidé de commencer par la fin, avec ce qui est, sans doute, l’un des dessins les plus tardifs de Victor Hugo que nous connaissions. Je vous l’accorde, ce choix est arbitraire et capricieux, mais ce dessin m’obsède et, plus que tout, m’émeut.
Ce lavis à l’encre violette, intitulé "Le burg", a longtemps dormi dans le manuscrit "Camille ou le souterrain", pièce écrite par Richard Lesclide pour le divertissement familial lors du dernier séjour de Victor Hugo à Guernesey en 1878. Ce manuscrit est aussi illustré de dessins des petits enfants, Georges et Jeanne. J’en ai montré quelques feuillets dans l’exposition "Portrait d’une maison" consacrée à Hauteville House, en 2019. Est-il pour autant datable de 1878, ce qui en ferait notre dessin "dernier dessin de Victor Hugo" ?
Autant Victor Hugo est un poète intarissable - les Dodus et moi vous en avons donné à lire, pour Pâques, de longs passages qui n’étaient que de courts extraits - autant quand il s’agit de dessin, il se fait taiseux ! Nous en sommes donc, trop souvent, réduits à faire des hypothèses.
Dans la collection de La Maison de Victor Hugo, le dessin considéré comme le plus tardif était "La Tourgue" réalisé pour l’illustration de "Quatrevingt-treize" et datant de 1876 - je montre les images aux Dodus, mais vous, vous tapoterez sur le portail "parismuseescollections.fr". Par ailleurs, le dernier séjour à Guernesey est motivé par le besoin de repos après le petit AVC - appelons ça comme ça - que vient de faire Victor Hugo. On s’est un peu trop hâté, cependant, à envoyer Hugo dans les choux. Certes, Hugo convalescent pouvait avoir puisé dans ses cartons un dessin plus ancien de quelques années - l’emploi de l’encre violette indiquant, malgré tout, un dessin d’après l’exil - pour l’illustration du "burg de Don Pèdre de Castille" dans le manuscrit de "Camille" - "burg", est-il besoin de le rappeler, est le nom allemand que le poète donne à ses châteaux depuis les voyages du Rhin, même à ses châteaux en Espagne. Des burgs, il en dessine depuis quarante ans, c’est devenu presqu'un automatisme, une image type, une image support, une image qui sert à tout, aux vœux, à la rêverie, à la vision.
Mon intuition était que dans ce contexte, Hugo avait fait ce dessin pour l’occasion. Un échange avec l’ami Jean-Marc Hovasse - que je remercie chaleureusement - m’en convainc. Le hasard fait bien les choses puisque Jean-Marc Hovasse avait été invité à intervenir dans le séminaire d’Antoine Compagnon au Collège de France sur les œuvres ultimes, où il nous avait régalé d’une communication sur la poétique du vieil Hugo. Je fais cette parenthèse pour impressionner les Dodus et qu’ils sentent bien que je ne me fous pas d’eux.
Un article fondateur de Pierre Georgel "Pour l’intimité", que vous pouvez lire sur le site du Groupe Hugo, a justement montré que les dessins du grand homme sont destinés au cercle fermé de ses proches - et pour lui-même aussi. Dans leur destination mais pour une part dans leur motivation. Dès qu’ils sortent du creuset comme du creusement de sa vision, ils sont nimbés d’amour et d’amitié. Hugo est tout l’inverse d’un artiste professionnel créant pour un public d’acheteurs anonymes ou institutionnels. A charge donc, pour nous d’entrer, fut-ce par hypothèse, dans cette intimité, et plus précisément ici, de tenter de savoir ce qui se passe vraiment - ou hypothétiquement - et si et pourquoi les derniers dessins de Victor Hugo sont des moments de bonheur. Grâce à la communication par Jean-Marc Hovasse d’un extrait du journal de Lesclide, risquons-nous.
Ayant un peu traîné des pinceaux - si j’ose dire - Victor Hugo se met à dessiner, sous la pression du groupe familial et l’insistance des petits-enfants. Toute la compagnie réclame son dessin, Juliette, Georges, Jeanne, Lesclide aussi et c’est peut-être celui qu’il a obtenu et collé dans le manuscrit. L’homme est vieux et fatigué mais il dessine. Une force lui revient et l’amour le pousse.
Une force lui revient. C’est un descendant de Gustave Fayet, le restaurateur de l’Abbaye de Fontfroide - et ami d’enfance de Jean-Baptiste Hugo - qui me parlait un jour du "duende", concept que les Espagnols appliquent au flamenco et auquel Garcia Lorca a consacré un livre. Pour le dire vite, c’est une sorte d’état de grâce qui tient de la possession, possession toujours démoniaque. J’ai eu la flemme d’aller vérifier dans le bouquin de Lorca, mais l’exemple expliquant la chose est à peu près celui-là : dans une réunion de flamenco où se produisent les meilleures danseuses, jeunes, belles, plantureuses, tout en seins et en cuisses - là c’est moi qui brode - , arrive une vieille, ridée, cassée… mais elle a le "duende". Elle pousse un cri, tape du talon, se cabre, lève un bras. La salle est subjuguée, la salle est en transe. En gros c’est ça le "duende". Or, c’est exactement le sentiment que j’ai devant les dernières œuvres de certains artistes, en particulier devant les derniers petits Poussin tremblotants - Poussin est un peintre que les Dodus adorent -, l’impression que ce n’est plus le peintre qui peint mais que c’est la peinture elle-même qui tient le pinceau. Ici me semble-t-il, Victor Hugo a le "duende" !
Une force lui revient et l’amour le pousse. Si Hugo dessine en 1878, c’est parce que Georges et Jeanne réclament. Papapa ne demande qu’à leur faire plaisir. Ce qu’il veut, c’est émerveiller Georges et Jeanne. Les combler comme toujours. Alors, malgré l’AVC, la fatigue, l’impression d’être un peu ailleurs, il prend la plume. Le "duende" lui tient les doigts. Alors Papapa, le vieil Hugo se transforme en vieille danseuse espagnole - que ne ferait-il pas pour Georges et Jeanne ! - il frappe le sol du talon, pousse un cri, lève le bras. Il jette de l’encre violette sur un bout de papier, la laisse un peu fuser, étale prestement la tache avec les barbes de la plume puis la retourne du côté du bec, griffonne quelques fenêtres, de vagues pignons, le burg apparaît comme par enchantement, de trois fois rien. C’est juste fait pour épater. Et moins il en fait et plus ça va vite, plus c’est magique. Plus épatante est l’offrande. Ses doigts sont tachés d’encre. Les enfants rigolent. Les enfants n’en reviennent pas. Le "duende" les méduse. Papapa a réussi son coup comme toujours. Tout ça est dans le dessin où il y a trois fois rien. Tout son amour est dans l’encre. Les yeux de Georges et de Jeanne pétillent de plaisir, brillent d’admiration et d’émerveillement. Victor Hugo est heureux.

 

 

 

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Le 15 avril 2020
30ème jour de confinement.
Nous en sommes au stade du miroir. Enfin… pour cette deuxième leçon d’histoire de l’art aux Dodus. Pas simple. Je plains les enseignants ! Maintenant ce sont les élèves qui veulent faire le programme. Remarquez que j’ai été un peu comme ça. Je me souviens que l’année de philo au lycée, j’avais demandé à mon prof pourquoi nous ne nous donnions pas nous-mêmes le sujet de la disserte. Il m’avait répondu par une citation de Marx (c’était encore l’époque) : "Les peuples ne se posent que les questions qu’ils savent résoudre". Je n’ai pas persisté dans ma velléité d’autogestion.
Visiblement les Dodus ne sont pas marxistes ! Ils me réclament des sujets qui les concernent. Les dessins de Victor Hugo, certes ! Mais à condition qu’il y ait des oiseaux !
D’où le stade. Histoire de clouer le bec aux Dodus, je fais choix d’une œuvre que j’aime beaucoup : "Le Miroir aux oiseaux". Ce n’est pas un dessin mais il faut bien que j’y mette un peu de contradiction pour reprendre la main.
Victor Hugo ne se contente pas de faire des dessins, il peint aussi les cadres. Il a peint le premier en octobre 1857. C’était celui d’un trumeau pour la cheminée de la salle à manger de Juliette Drouet à La Fallue, sa première maison à Guernesey. Celui-ci est composé d’un miroir, d’un paysage à l’encre sur bois et d’une bordure de bois où Hugo a peint surtout des fleurs et des papillons, ainsi qu’un oiseau un peu bizarre. Mais celui dont je veux parler aux Dodus est le dernier réalisé en exil, treize ans plus tard, en mai 1870. Comme c’est une histoire guernesiaise, j’en profite au passage pour saluer les amis de l’île Dinah Bott et Roy Bisson de la Victor Hugo in Guernsey Society ; et les Dodus leur sifflent leurs cinq notes. Finie la récré !
Ce miroir a ceci d’intéressant qu’il résume tout Victor Hugo ! Le poète, l’homme engagé en politique, l’artiste et même l’amoureux. Quatre en un !  (Four in hand, aurait dit Picabia !).
Et pour une fois Toto (comme l’appelle Juju) n’est pas avare d’informations. Il nous en donne toutes les étapes dans son agenda, depuis le 11 mai où il apprend le procès qu’on lui fait à Paris alors qu’il se met à dessiner le cadre et écrire le poème, jusqu’au 17 où il a terminé le travail et le donne à vernir et enfin le 21 où il le fait porter chez Juliette pour sa fête.
Ici comme souvent, le mobile est intime : faire un cadeau à Juju pour sa fête. Coïncidence, à ce moment Hugo apprend que l’Empire ne le lâche pas, l’enquiquine jusqu’au bout en lui faisant un procès pour avoir appelé à voter non au référendum appelé par Napoléon III. L’homme politique rapplique dans la Sainte-Julie : "Pendant qu’on me juge et condamne à Paris" écrit-il sur le cadre, entre la date et la signature.
Étrangement dira-t-on pour un cadeau destiné à Juliette, le grand-père aussi rapplique ! Car il calligraphie aussi un poème pour "Petit Georges" :
"Passereaux et rouge-gorges
Venez des airs et des eaux,
Venez tous faire vos orges,
Messieurs les petits oiseaux,
Chez Monsieur le petit Georges"
Mais si Petit Georges débarque poétiquement chez Juliette, c’est ici encore, comme en tant d’occasions décoratives, un fragment du discours amoureux de Victor et sa manière d’intégrer symboliquement Juliette dans la famille avec un véritable statut de seconde épouse.
Et puis il y a la peinture. Courant autour du miroir, comme une sorte de mise en abîme de la bordure même du cadre, un motif de planches de bois, fixées par des chevilles, comme une sorte de barrière où s’enlacent des tiges de lierre et de feuillage, ainsi que la fameuse fleur aux pétales dessinés qui est le symbole de Léopoldine (le motif vient du portrait "Léopoldine au livre d’heure") ; le détail a son importance. Par-dessus tout ça, des oiseaux sur lesquels l’ornithologue saurait mettre un nom, volètent dans tous les sens. C’est là que les Dodus manifestent leur perplexité - c’est au moins la preuve qu’ils suivent - : ni nous, ni nos cousins ne volons la tête en bas.
Excellente remarque, réponds-je (il faut toujours valoriser les élèves !).
Oui certes, continue-je, mais ça dépend du point de vue ! Si Hugo nous peint ses Dodus - ou tout comme - dans tous les sens, n’est-ce pas pour nous signifier que c’est parce que nous les voyons "par-dessus" et non pas les pieds bêtement posés sur terre.
Et c’est là que ça devient bizarre. Que ça commence presque à dérailler. Hugo nous joue les précogs ! (pour une fois ce n’est pas moi !). Le miroir devient prémonitoire !. (Vous me direz que dans les contes de fées, c’est souvent le cas).
En effet, le lendemain du jour où il a commencé son cadre et écrit son poème, le 12 mai, il note dans son agenda qu’il a sauvé une mouche de la noyade dans le bassin du jardin. La noyade c’est toujours sérieux pour Hugo, surtout dans ce bassin de la fontaine aux serpents qu’on retrouve dans le poème "La Rose de l’infante" de "La Légende des siècles" où se profile le souvenir de Léopoldine (je vous avais dit que le détail de la fleur avait son importance !).
Or les petits-enfants sont attendus à Hauteville pour l’été. Aussi, rapport de cause à effet, fort du sauvetage de la mouche, le 22 mai Hugo fait poser par son jardinier un treillage autour du bassin, "garde-fou pour Georges". Puis, le 3 juin, le grand-père attentif accroche sur ledit treillage "l’écriteau aux oiseaux" semblable à celui du miroir.
Tout s’explique ! Notre cadre peint doit être vu "à vol d’oiseau" (comme Paris) et représente un bassin (le miroir) entouré d’une barrière avec un écriteau, autour duquel volent les oiseaux.
Encore une fois la création plastique de Victor Hugo se révèle totalement maillée au tissu existentiel de l’intimité. Oui, ça fait cuistre mais c’est pour élever le niveau des Dodus ; je ne veux pas niveler par le bas.
Ecrit et peint avant la noyade de la mouche et l’installation du grillage, le miroir en est l’annonce, la prédiction !
A moins bien sûr, qu’en se mettant à son miroir Hugo n’ait déjà eu, derrière la tête, l’idée des protections à mettre en place pour la première venue de Georges et Jeanne à Hauteville House. Hypothèse probable, mais tellement moins séduisante pour les Dodus qui, comme vous le savez, aiment à prédire l’avenir.

 

 

 

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Le 18 avril 2020
33ème jour de confinement.
Je ne sais pas quand les poules auront des dents, mais les Dodus, eux, en ont ! Ils n’en démordent pas ! Ils veulent bien que je leur raconte les dessins de Victor Hugo mais à condition qu’ils représentent des oiseaux. Cela limite mon choix. Me voici donc obligé de parler du lavis où l’on voit deux oiseaux, l’un dans le nid, l’autre volant. Il fut offert à Paul Meurice pour le nouvel an 1868, et celui-ci l’a relié dans son exemplaire du recueil paru en 1866, "Les Chansons des rues et des bois".
Le dessin est absolument charmant. Mais qu’est-ce que vous voulez que je vous en dise ? Qu’y a-t-il de plus con qu’une image représentant un oiseau ? Une image représentant un chat, me direz-vous et vous aurez raison. C’est ce qui plaît le plus et à tout le monde (ceci est une private joke, comme on dit à Guernesey, pour notre ami pastelliste Jean François Orcet à qui, chaque fois qu’il se plaint de ne pas assez vendre dans un salon, nous conseillons de peindre des chats. C’est ce qu’avait bien compris Louis-Eugène Lambert, le copain de Maurice Sand et habitué de Nohant, élève de Delacroix, qui s’en était fait une spécialité. Être élève de Delacroix pour peindre des chats toute sa vie ! C’est bien la peine ! Qu’il ait fait une fois un cochon de concours ne fait rien à l’affaire. Vous me direz encore qu’Hector Giacomelli (voir 11ème jour de confinement) n’a peint que des oiseaux. Oui mais justement, c’était des oiseaux. Et puis tout ça prouve que les artistes n’ont pas attendu BMPT et Buren pour être systématiques. Mais revenons à nos moutons à plumes.
Ici, justement, Hugo se prend pour Giacomelli. Cela n’empêche pas Meurice d’être content de son cadeau : "Mon cher grand maître, j’ai ce ravissant dessin, composé dans une manière qui vous est nouvelle, gai, blond, naïf, charmant, souriant. Je vais faire de mon dessin la première page de mon exemplaire des "Chansons des Rues et des Bois". Mais quel cœur vous êtes, génie".
On savait écrire à cette époque. Ce qui n’empêche que Meurice se met la plume dans l’œil. Cela fait une bonne dizaine d’années que Hugo pratique cette manière de lavis blond au fond brossé aux barbes de la plume, aux accents d’encre plus sombre et aux détails à la plume. Mais il est vrai que ce n’est pas ce genre de dessins que le poète envoie d’habitude. Le sujet renforce l’impression de nouveauté. Ce qui est vraiment neuf et inhabituel en tout cas, c’est ce chapelet de qualificatifs appliqués aux dessins du "cher grand maître" : ravissant, gai, blond, naïf, charmant, souriant. Nous n’étions pas habitués à ça !
En tout cas, notre Hugo précog (voir 30ème journée de confinement) avait bien deviné que Meurice en ferait son miel avec la manie qu’il a de coller ses dessins en frontispice de ses livres, d’utiliser celui-là pour "Les Chansons des rues et des bois", recueil certes dernier paru, mais mal reçu car Hugo y joue au jeune homme, s’y grime en jeune poète blond, ravissant, gai, naïf et charmant… à 63 ans passés (cela, l’ami Jean-Marc Hovasse nous l’a bien expliqué au séminaire d’Antoine Compagnon - je vous invite à regarder la vidéo en ligne sur le site du Collège de France).
Il est vrai que le dessin colle au recueil. D’abord au Livre I, "Jeunesse", section VI, "L’éternel roman" on trouve le poème XI, "Le Nid" dont on a donné le titre factice à notre dessin. Puis au livre II, "Sagesse", la section II qui regroupe quatre poèmes, s’intitule "Oiseaux et enfants". Il y a des piafs partout ! Quelle mouche a piqué Hugo ?
Tous ces poèmes sont datés de 1859. On pourrait d’ailleurs se demander si le dessin ne date pas de ce moment, d’autant que c’est vers 1857-1858 que Hugo met au point ce nouveau type de lavis, si Hugo n’avait pas eu soin de noter dans son agenda, le 31 décembre 1867 qu’il avait passé sa journée à faire les sept dessins pour ses amis de Paris. Les dessins de Victor Hugo ne sont pas à dix près.
Les oiseaux non plus. Les agendas du poète sont remplis de notes à propos des volatiles de tous ordres qui viennent visiter son jardin. Ils sont autant d’anecdotes qui rythment les jours et comptent le temps.
Hugo a toujours associé "oiseaux et enfants". Rappelez-vous son poème "À des oiseaux envolés" en 1837 ("Les Voix intérieures"). Cet été 1867, à Bruxelles, il a poussé la voiture de son petit-fils Georges, né en mars et il vient de recevoir le 29 décembre l’annonce de la nouvelle grossesse d’Alice, la femme de Charles. Il ne sait pas encore que le premier petit Georges mourra en avril. Il a encore toutes les raisons de dessiner des oiseaux et des nids.

 

 

 

 

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Le 23 avril 2020
37ème jour de confinement.
Les Dodus ont la paix ! Quartier libre ! Plus de leçons sur les dessins de Victor Hugo, je les laisse voler de leurs propres ailes. Ils en profitent pour lire Buffon. Moi, je suis trop occupé par le télétravail chronophage, commencer la rédaction du nouveau Projet Scientifique et Culturel du musée, formaliser le plan de récolement décennal, bref - bref n’est pas vraiment le mot juste - à faire ces choses où vous devez dire ce que vous allez faire et qui vous empêchent de les faire. Oui, c’est mon mauvais esprit de vieux municipal qui me fait toujours pester contre les trucs imposés par l’Etat. Mais comme je suis un fonctionnaire consciencieux, j’obtempère et je finis par me dire que ce n’est pas si mal, que c’est même bien.
Et puis c’est tourné vers l’avenir or, comme vous le savez les Dodus et moi sommes un peu précogs (voir je-ne-sais-plus-quel-jour de confinement). La preuve encore ce matin. Dès mon réveil, je pensais qu’il fallait que je fasse une chronique dodusienne et je pensais la faire à propos des photos où les Dodus lisent Buffon avec l’intention de gloser ironiquement sur le fait que nous ne savons pas mieux lire qu’eux (peut-être même moins bien car nous ne sommes pas très doués pour capter l’émanation spirituelle des choses). Or quelle est l’actualité du jour ? Michel Pastoureau qui publie une lettre pour expliquer qu’on n’a pas su lire son ironie et son antiphrase, pour nous dire qu’aujourd’hui nous ne savons plus lire ! Je l’avais donc deviné au réveil ! Et les Dodus nous l’avaient révélé bien plus tôt encore, il y a quelques jours en se promenant sur le beau catalogue des "Oiseaux de Buffon" d’après l’exemplaire du musée Médard de Lunel qui m’est une occasion de saluer Adèle Hugo, Léopoldine Hugo, Sophie Lafont-Hugo et Jean Baptiste Hugo avec qui j’ai eu le plaisir de visiter ce beau musée.
En repensant à ces photos, je me disais que nous ne lisions pas mieux que les Dodus. Nous nous promenons sur des textes. C’est surtout la pratique des réseaux sociaux qui me convainc chaque jour de la chose.
Je me souviens qu’au moment du lancement du portail des collections des musées de la Ville j’avais été frappé de la critique violente et systématique qui l’avait accueilli. La critique comme toujours visait "le politique" qui n’y était pas pour grand-chose, mais atteignait des collègues qui avaient bossé comme des fous. Certain blogueur culturel m’avait alors expliqué - je serais presque tenté de dire déniaisé - que c’était la règle du jeu : pour exister sur les réseaux sociaux il fallait être incisif, râleur, cogneur, violent… provocateur, je n’en suis pas si sûr… Si polémique il y a, il ne s’agit surtout pas de répondre aux arguments de l’autre mais de lancer son anathème, d’imposer son opinion - que dis-je ? sa certitude, sa révélation des dessous, sa vérité cachée. Mais ce n’est pas tout.
Depuis ce confinement, quand je ne suis pas occupé à dire à ma tutelle ce que je vais faire ou à expliquer les dessins de Victor Hugo aux Dodus, mon passe-temps favori consiste à suivre la polémique à propos du professeur Raoult et de la chloroquine. Certes, l’intrigue ne se renouvelle pas mais ça reste fascinant justement parce que ça n’évolue pas d’un poil, ni d’une plume. J’ai lu et écouté plusieurs interventions du professeur Raoult, mais je n’ai jamais lu une réponse aux arguments qu’il avance. On dit et redit que ce n’est pas prouvé, que les effets secondaires ceci cela, et que c’est tellement peu prouvé qu’au contraire ça ne marche pas. Ils ont peut-être raison. Mais c’est là qu’est tout le problème, dans le "peut-être", car on ne sortira pas du peut-être.
Ce que dit le professeur Raoult est plus intéressant. Primo, il parle en épistémologue (j’ai bien dit épistémologue - philosophe des sciences - pas épidémiologiste) quand il dit que les méthodologies de la preuve sont historiques et donc éphémères et quand il déclare partager les domaines et distinguer recherche et thérapie (rien que de très cartésien dans la méthode, soit dit en passant, les dodus mêmes en conviennent). Secundo, il déclare que dans une situation d’urgence médicale, il agit d’abord en médecin. La recherche est derrière lui, c’est son acquis, son expérience, il l’applique aux malades dans un souci de thérapie. Rien que de très humaniste. Tertio, fort de son expérience et de ses connaissances, s’il applique un traitement et qu’il voit que ça marche sur deux personnes, il l’applique sur trois et ainsi de suite. Rien que du bon sens (c’est comme ça qu’on a commencé pour la trithérapie contre le sida, à ce que j’ai cru comprendre). Mais je n’ai rien lu qui réponde sur ce terrain. C’est peut-être de ma faute, j’ai peut-être mal lu. Je vous l’ai dit, nous ne savons plus lire.
Mais je me dis que c’est sans doute la règle du jeu : il ne faut surtout pas répondre sur ce terrain. Il faut simplement avancer une opinion contraire et critique coûte que coûte, juxtaposer une dénégation ou une contre-affirmation. Il faut surtout que rien ne soit sûr, que rien ne puisse être certain. Nous avons inventé une nouvelle forme de censure, et quand je dis "nous" c’est parce que nous en sommes aussi les artisans. Il n’est plus besoin de faire taire personne puisque tout est inaudible. Nous avons inventé la censure autogérée !
"Autre guitare" comme disaient Juliette et Victor. La polémique autour du professeur Raoult me parle car "ça me rappelle du vécu", comme on dit. Une histoire de porte. Selon les règles de sécurité incendie, dans un établissement recevant du public, les portes palières doivent être coupe-feu. Dans un bâtiment historique aussi, en principe. D’ailleurs, un fabricant peut parfaitement fabriquer des portes coupe-feu d’une apparence parfaitement identique à vos anciennes portes. Alors quel est le problème allez-vous me dire ! Et bien le problème c’est la méthodologie de la preuve. Il faut que vous puissiez prouver que votre porte est coupe-feu le temps requis. Pour cela il faut une homologation. Mais l’homologation a un coût (je suppose qu’il faut en faire une deuxième qu’on va mettre au feu pour voir comment elle se comporte, etc.) et sur une porte d’un modèle unique fait spécialement pour vous "ça ne va pas être possible". Donc vous n’aurez pas d’homologation. Qu’à cela ne tienne, me direz-vous, vous installez votre porte coupe-feu non homologuée, puisqu’il y toutes les chances du monde qu’elle fonctionne étant faite comme les autres, simplement à d’autres dimensions… oui mais ce n’est pas prouvé… et en cas de problème… On ne pose pas une porte non homologuée. Que fait-on alors ? Rien. On garde son ancienne porte, et on vous donne une dérogation…
Mon ancienne patronne utilisait souvent l’expression "On organise la panne". C’est cela. Et en double ! On paralyse l’action et on paralyse la pensée. La censure est bien une paire de ciseaux, elle a deux lames. Comme quoi, si l’on sait bien lire, des Dodus qui se baladent sur un catalogue nous en disent long comme l’aile.

 

 

 

 

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Le 25 avril 2020
40ème jour de confinement.
Si je vous dis que ce matin j’ai fait écouter aux Dodus le contre-ténor Jakub Jozef Orlinski, qu’ils ont aimé, que ça les a calmés (avec le printemps ils ont tendance à être un peu excités…), qu’ils se sont posés tranquillement et ont chanté. Est-ce une anecdote ?
Si je vous demande cela c’est que j’ai toujours des problèmes avec l’anecdote. Régulièrement, à la faveur d’une exposition ou d’un événement important dans la vie du musée, notre responsable de la communication déboule dans mon bureau pour m’annoncer que telle télé ou tel journal veut faire un reportage. Ô joie ! Puis elle ajoute qu’ils nous demandent deux ou trois anecdotes sur le sujet… Et là, patatras ! Je sèche… copie blanche… ça fout en l’air ma moyenne ! Je pourrais me défendre en prétextant que lorsqu’on conçoit une exposition on essaie de construire quelque chose d’unitaire qui se tient de bout en bout. Du coup, l’émiettement de l’anecdote… On me répondra que ce n’est pas une raison, qu’il fallait y penser avant. Mais bon, tout le monde n’a pas le talent de l’anecdote. C’est même - paradoxalement, vu la demande - assez rare. Parmi ceux qui ont le génie de l’anecdote, je pense immédiatement à l’ami Jean Marc Leri - que je salue - mais il est vrai que cela faisait partie de ses obligations professionnelles : quand on dirige le musée Carnavalet on attend de vous que débitiez des anecdotes comme on respire - sans masque FFP2 -, que vous saucissonniez l’histoire de Paris par petites tranches de conversation dont vous régalez vos interlocuteurs. D’aucuns diront qu’en tant que concierge de Victor Hugo on attend aussi de moi que je débite des anecdotes sur la vie du grand homme. C’est vrai, mais je reste coi comme un con ! C’est psy. J’ai un blocage avec l’anecdote.
Dans sa préface à "Jocelyn", Lamartine explique pourquoi il sous-titre la chose "épisode". C’est déjà bizarre de pondre un machin pareil - une espèce de roman en vers -, si en plus on appelle ça "épisode", il faut nous expliquer pourquoi ! Alphonse obtempère. Selon lui le gros bloc de poésie à l’état natif, l’épopée, appartient à l’enfance des peuples. C’est vrai que même si vous coupez ça en deux, l’Iliade et l’Odyssée ça fait deux gros morceaux ! Lui, Lamartine, né un peu tard dans un monde déjà vieux, en est à l’âge de l’épisode. Il s’en fait une raison ; même si son œuvre a une unité, il ne peut l’écrire que par morceaux pas trop gros, pas trop étouffe-chrétiens - encore que "Jocelyn" ça fasse deux volumes, mais à l’époque tout se publiait en deux volumes - à charge pour le lecteur, plus tard, à sa mort, de rabouter le tout pour en saisir l’unité. Balzac fait pareil, mais en prose.
Depuis Lamartine, les choses ne se sont pas arrangées, nous n’avons pas arrêté de naître de plus en plus tard dans notre monde de plus en plus vieilli, nous n’en sommes plus à "l’épisode", nous en sommes arrivés à "l’anecdote" ! Les Dodus en sont navrés pour nous ! Plus le temps passe, plus notre civilisation vieillit, plus il nous faut couper les morceaux petits. Nous sommes devenus des sans dents de la pensée. Notre vision de monde va s’atomisant.
C’est logique en un sens. L’homme aussi s’atomise dans notre société. Au lieu de penser tous la même chose ensemble - et de vibrer aux amples vers de l’épopée - nous pensons tous la même chose séparément en étant tous persuadés de ne pas penser comme le voisin. Nous n’avons plus que les petites jouissances de l’anecdote. Notre vision de monde s’est réduite à l’apéricube. C’est l’heure à laquelle j’écris cette chronique qui me souffle la métaphore. Mais elle a du vrai ! L’anecdote est à la littérature ce que l’apéricube est au plateau de fromage au centre duquel trône le vacherin de l’épopée.
Perchés sur leur chaman préféré, lisant par-dessus mon épaule, les Dodus qui ne mangent que de toutes petites graines, me regardent avec circonspection… Ils sont visiblement navrés de mes idioties. Bon ! je vais leur remettre Jakub Jozef Orlinski pour qu’ils me fichent la paix. Ça va les calmer.

 

 

 

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Le 8 mai 2020
Antépénultième jour de confinement.
Pour vous, comme pour les Dodus, c’est le geste qui compte. Tout est dans l’intention. C’est l’époque des amours… pour les Dodus… c’est un bien grand mot. Sans doute trop grand pour eux. Grisou, le mâle identifié, s’est toujours montré parfaitement indifférent, sinon parfois hostile, aux avances de Blanche, la femelle identifiée la plus entreprenante. Nous n’avons jamais été bien sûrs pour Café.e mais ce n’était pas trop grave tant il était - et tant qu’il restait - laissé pour compte. Mais voilà, puisque c’est le geste qui prime, il fallait respecter le geste. Ce geste pour les Dodus, c’est la nidification. Son impératif a été le plus fort. L’équilibre relationnel des Dodus s’est donc rééquilibré. Autant vous l’avouer : les Dodus sont devenus LGBT. Ou tout comme. Enfin les deux tiers d’entre eux.
Poussé.e.s par ce qu’on appelle l’instinct, ou par une sorte de mémoire biologique du nid, elles gloussent, vibrent des ailes, se bécotent et choisissent soit la plante à hautes feuilles dans son cache-pot, soit la plus étroite et malcommode des lampes à huile de chaman et y font leur nid pour couver.
Façon de parler. Comme je vous l’ai dit, c’est le geste qui compte. Faire le nid reste une affaire essentiellement symbolique et allusive. Elles dédaignent les fibres, fragments de raphia, fils que nous leur préparons, prêts à être saisis du bec et transportés dans le nid. Elles préfèrent s’acharner sur des feuilles impossibles à arracher ou sur les fibres de faux nids que nous avions achetés au marché aux fleurs et qu’elles ne parviennent pas à tirer. Ça les occupe. C’est sans doute le but du jeu. Transporter une tige ou une lamelle leur suffit. Tout est affaire de symbole. Il suffit d’accomplir un geste rituel. D’ailleurs, il n’y a rien à couver. Nos dodu.e.s ne pondent pas. Mais ce serait une erreur de croire que l’œuf est nécessaire à la couvaison. "L’œuf absent de tout nid" comme dirait l’autre. Elles n’en couvent pas moins sérieusement cette absence d’œuf. Elles se relaient consciencieusement et refusent même de rejoindre la cage à l’heure syndicale ! Elles se disputent même parfois le privilège de couver ce rien, se piétinent l’une l’autre : Blanche couve parfois la tête de Café.e sur laquelle elle s’installe en gonflant toutes ses plumes.
L’essentiel est donc de sauver les apparences. De faire acte d’apparence. D’accomplir les quelques gestes, les quelques attitudes voulues par la loi obscure de l’espèce. D’obéir à l’emploi du temps de l’espèce.
Sans doute l’intention sauve l’apparence. Si tout cela tourne à vide, ce n’en est pas moins sérieux. Tout le contraire de notre société du spectacle.

 

 

 

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Le 9 mai 2020
Pénultième jour du confinement. Alerte Dodus ! Café.e a pondu !

 

 

 

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Le 10 mai 2020
Ultime jour du confinement. Les Dodus vous saluent bien. Pour eux, rien ne change !

 

 

 

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Le 25 mai 2020
Clin d’œil des Dodus aux amateurs de néo-gothique !

 

 

 

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Le 26 mai 2020
Les Dodus n'oublient pas les amateurs d'art cinétique !

 

 

 

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Le 28 mai 2020
Les Dodus ont déjà croisé le docteur Caligari !

 

 

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Le 1er juin 2020
Les Dodus poursuivent leurs balades du côté de Murnau....

 

 

 

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Le 1er juin 2020
Les Dodus ont même fait une escapade en mer !

 

 

 

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Le 11 juin 2020
Les Dodus, tout à la poursuite de leur périple expressionniste, auraient atteint la Transylvanie aujourd'hui !

 

 

 

 

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Les visites de cryptes transylvaniennes réservent des surprises : les Dodus y ont même croisé le Maître des lieux! À propos de cryptes, le Réel se permet parfois quelques fantaisies et rivalise avec le Mythe : Berlin 2015, la chapelle funéraire où reposait Murnau parmi ses frères, a été fracturée. Le crâne du maître de l'expressionnisme cinématographique a disparu ! Un voyage que n'aurait sans doute pas renié Murnau...
Trêve d'histoires, les Dodus vous abandonnent à vos rêveries et prennent leur envol pour le chemin du retour !

 

 

 

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Le 5 juillet 2020
Les Dodus font une halte dans les contrées de Faust...
"Méphistophélès
Maître, puisqu'une fois tu te rapproches de nous, puisque tu veux connaître comment les choses vont en bas, et que d'ordinaire tu te plais à mon entretien, je viens vers toi dans cette foule.... Je n'ai rien à dire du soleil et des sphères, mais je vois seulement comment les hommes se tourmentent. Le petit dieu du monde est encore de la même trempe et bizarre comme au premier jour. Il vivrait, je pense, plus convenablement, si tu ne lui avais frappé le cerveau d'un rayon de la céleste lumière. Il a nommé cela raison, et ne l'emploie qu'à se gouverner plus bêtement que les bêtes. Il ressemble (si ta Seigneurerie le permet) à ces cigales aux longues jambes qui s'en vont sautant et voletant dans l'herbe, en chantant leur vieille chanson. Et s'il restait toujours dans l'herbe ! mais non, il faut encore qu'il aille donner du nez contre tous les tas de fumier."
Goethe, "Faust", "Prologue dans le ciel", 1790

 

 

 

 

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Le 10 août 2020
Les Dodus ne vous oubliaient pas, ils poursuivaient simplement leur long périple européen, leurs ailes les ayant portés du côté de Metropolis. Leurs petits yeux bien ronds furent mis à rude épreuve. Dans la fumée, des hallucinations, la machine M se transformant en Moloch, une tour se dédoublant sur l'horizon....

 

 

 

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Le 6 septembre 2020
Les Dodus sont de retour dans leur patrie, croisent un homme-cheval et s'égarent dans des reflets...
"Euridyce
- Ce n'est pas toi qui en parles... (montrant le cheval). C'est lui.
Orphée
- Ni lui, ni moi, ni personne. Que savons-nous ? Qui parle ? Nous nous cognons dans le noir ; nous sommes dans le surnaturel jusqu'au cou. Nous jouons à cache-cache avec les dieux. Nous ne savons rien, rien, rien. "Madame Euridyce reviendra des enfers" ce n'est pas une phrase. C'est un poème, un poème du rêve...
Euridyce
- Et tu espères convaincre le monde ? Faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase ; avoir du succès avec ta phrase de cheval ?"
Jean Cocteau, "Orphée", 1925

 

 

 

 

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Le 3 novembre 2020
5ème jour du 2ème confinement.
Les Dodus reprennent les séances de pose et rendent un vibrant hommage à Jean Cocteau.
Que La poésie et ses rêves nous accompagnent !
"Le sommeil n'est pas à nos ordres. C'est un poisson aveugle qui monte des profondeurs, un oiseau qui s'abat sur nous".

 

 

 

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Le 7 novembre 2020
Du fond de la nuit, les Dodus vous envoient un salut.
"Le coeur de l'homme est comme un oiseau de nuit. Il reste calmement dans l'attente de quelque chose, et, le moment venu, il s'envole droit vers sa destination."
Haruki Murakami, "L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage", 2013

 

 

 

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Le 11 novembre 2020
Les Dodus méditent la perte des choses précieuses...
"Nous perdons tous sans cesse des choses qui nous sont précieuses... des occasions précieuses, des possibilités, des sentiments qu'on ne pourra pas retrouver. C'est cela aussi vivre. Mais à l'intérieur de notre esprit - je crois que c'est à l'intérieur de notre esprit - il y a une petite pièce dans laquelle nous stockons le souvenir de toutes ces occasions perdues. Une pièce avec des rayonnages, comme dans cette bibliothèque, j'imagine. Et il faut que nous fabriquions un index, avec des cartes de références, pour connaitre précisément ce qu'il y a dans nos coeurs. Il faut aussi balayer cette pièce, l'aérer, changer l'eau des fleurs. En d'autres termes, tu devras vivre dans ta propre bibliothèque."
Haruki Murakami, "Kafka sur le rivage", 2002

 

 

 

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Le 13 novembre 2020
"À cet instant, les nuages sombres qui jusqu'alors recouvraient le ciel commencèrent à se disperser ici ou là. Et cette trouée dans les nuages laissa passer un rayon de lune qui éclaira la pièce un bref instant. Telle une eau limpide qui lave une stèle ancienne, révélant ainsi une inscription secrète, restée cachée jusque-là. Aussitôt cependant, l'obscurité d'encre se reforma, puis les nuages recommencèrent à se disloquer, et la lune, durant une dizaine de secondes, éclaira les alentours de ses lueurs blêmes. Et pendant ce court laps de temps, je pus voir...."
Haruki Murakami, "Le Meurtre du Commandeur", 2017

 

 

 

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Le 18 novembre 2020
Les Dodus, en pleine hibernation, poursuivent leur dialogue avec l'invisible.
"J'aime les choses que je vois. Et autant celles que je ne vois pas."
Haruki Murakami, "Le Meurtre du Commandeur", 2017

 

 

 

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Le 24 novembre 2020
Les Dodus méditent au-dessus du vide et du mystère, et vous envoient un salut.
"Je rouvre les yeux, contemple à nouveau le monde inconnu qui s'étend en contrebas... Et je sens de nouvelles rafales de vent tourbillonner sur mon cœur. Les signes se recomposent, les métaphores se transforment. J'ai l'impression de m'éloigner de moi-même. Mes sensations fluctuent. Je deviens un papillon qui volette au dessus des frontières du monde. Par-delà le bord du monde, il est un espace où le vide et la substance se superposent, où passé et présent forment une boucle continue sans commencement ni fin. Des signes que nul ne peut déchiffrer, des accords que personne ne peut entendre , y flottent au hasard. "
Haruki Murakami, "Kafka sur le rivage", 2002

 

 

 

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Le 26 novembre 2020
Les Dodus vous saluent au sortir de leur sieste.
"Je ne parvenais pas à déterminer où était tracée la limite entre le monde du sommeil et celui de l'éveil, ni à savoir de quel côté je me trouvais, ou même encore si je ne me situais ni dans l'un ni dans l'autre. A nouveau, je convoquai de je ne sais où mon fourre-tout à souvenirs et comme si je comptais des pièces d'or, j'en revivifiai certains à tour de rôle".

Haruki Murakami, "Le Meurtre du Commandeur", livre 2 : "La Métaphore se déplace", Volume 2, 2018

 

 

 

 

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